Sidi Fredj. L’histoire d’une fanfare algérienne : Elle avait fait retentir l’hymne kassaman à l’Indépendance
1er Novembre 1962, clique de Cherchell
M’HAMED H.
17 AOÛT 2020 À 9 H 34 MIN
1458
L’effectif de la célèbre fanfare, qui avait fait retentir l’hymne national à Sid Fredj à l’aube de l’Indépendance du pays, n’existe plus, hormis deux musiciens, actuellement retraités, qui rasent les murs, après avoir contribué au développement et à l’éducation des jeunes générations dans le secteur de l’enseignement.
Il s’agit de Battache Mohamed et Meklati Braham. En discutant avec eux, ils ont eu des difficultés pour se rappeler des noms de tous leurs anciens camarades de la fanfare. D’emblée, ils nous citent quelques noms, en l’occurrence Khouane, Latrèche, Ouali (Baho, ndlr), Korchi, Bouchema, Melhani, Larinouna, Brahimi (Benmira, ndlr), Amani, Bekhti, Bouhni, Boutka Mohamed, et les trois collégiens, El Ghobrini Farid, Battache Mohamed, Meklati Braham.
Leurs partitions musicales sont le résultat de leurs efforts réalisés à travers leurs différents instruments : flûtes, saxophones, clarinettes, cymbales, grosse caisse, clairons, trombones, trompettes, tambours. La fanfare de Cherchell, puisqu’il s’agit de cet ensemble de musiciens, effectuait les répétitions bien avant l’indépendance du pays dans un local d’une trentaine de mètres carrés, situé au marché du centre-ville, à quelques pas de la mosquée du marché, construite en 1695. Aujourd’hui, cette mosquée se trouve dans un état qui nécessite un confortement et une réhabilitation, tandis que le conservatoire a été rasé. Il n’existe plus dans le décor.
Mais comment cette fanfare est arrivée à exécuter l’hymne national, « kassaman », lors de la levée du drapeau de l’Algérie indépendante, au mois de juillet 1962 à Sidi-Fredj ? Nos deux interlocuteurs se remémorent de certains souvenirs, 58 années après cet évènement historique. «Nous étions les plus jeunes à l’époque, notre fanfare se composait des ouvriers communaux et de quelques artisans, nous étions les plus jeunes».
Au mois de juin 1962, des responsables du FLN donnent rendez-vous à tous les musiciens de la fanfare, les informant d’une mission. Munis de leurs instruments respectifs, les membres de la fanfare de Cherchell se sont rendus au niveau de la station de bus de Mefti Frères (Laâmèche, ndlr). Cet opérateur algérien de transport assurait la ligne Cherchell-Menaceur-Cherchell. La destination du voyage n’avait pas été divulguée aux passagers exceptionnels du bus. Il faisait chaud. Les musiciens embarquent dans le vieux bus
. Dans le pays, au début du mois juillet 1962, les Algériens s’apprêtaient à rejoindre les urnes pour voter pour l’Indépendance. La fanfare de Cherchell arrive au djebel Mokorno, l’un des fiefs de la wilaya IV, qui se trouve dans la wilaya de Médéa, entre les localités de Zoubiria et Berrouaghia. Les musiciens s’installent dans le cantonnement. Ils ne sont pas habitués à vivre un quotidien pénible en cette période de grande chaleur. Les djounoud de la Wilaya IV avaient chaleureusement accueilli les éléments de la clique venus de Cherchell.
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Chacun avait eu droit à un matelas pour se reposer dans une salle du cantonnement. Les familles préparaient le couscous. En plus de la forte chaleur, il n’y avait point d’eau. Les musiciens se contentaient de boire la boisson gazeuse pas du tout fraîche durant leur séjour. Les maquisards prenaient soin de «ces artistes», qui arrivent dans une zone dépourvue d’arbres et de routes bitumées.
En dépit des difficiles conditions, les membres de la fanfare répétaient sans cesse les marches militaires, en exécutant les airs révolutionnaires programmés par les responsables de l’ALN et le FLN de la Wilaya IV. Les défilés dans la montagne de Monkorno aux rythmes de la musique se déroulaient avec les djounoud de l’ALN. La fanfare s’est adaptée à l’ambiance. L’organisation prend forme grâce à la discipline collective, malgré la canicule. Quelques membres âgés de la fanfare n’arrivaient plus à supporter la cadence des répétitions sous un soleil de plomb. Les musiciens étaient vêtus d’une chemise blanche, d’un pantalon kaki et d’un béret rouge aux deux bandelettes de couleur verte. Le séjour à Mokorno s’achève. Le premier baptême de la fanfare avait eu lieu à Blida, au niveau du kiosque de musique de la ville des Roses.
Les musiciens étaient dispersés durant la nuit. Ils avaient passé la nuit chez différentes familles, après avoir fait la fête. Les marées humaines se baignaient dans la fièvre indescriptible de l’ambiance de l’Indépendance. Arrivée à Alger, la fanfare de Cherchell est prise en charge par les responsables de l’ALN, chargés de préparer la commémoration officielle de l’Indépendance de l’Algérie. Le programme établi auparavant prévoyait d’abord un défilé de la fanfare de Cherchell qui avait devancé un bataillon de la Wilaya IV, venu lui aussi de Monkorno. Le trajet allant de la place du 1er Mai jusqu’à la place des Martyrs, à Alger, aura permis aux centaines de milliers de familles algériennes positionnées le long des deux côtés de la route de découvrir la fanfare qui exécutait les airs musicaux militaires, alors que les djounoud de l’ALN marchaient derrière les musiciens suivant une incroyable cadence.
Nos deux interlocuteurs, émus, n’arrivent pas à trouver les qualificatifs pour ces moments inoubliables vécus. Les médias du monde entier étaient présents afin d’immortaliser ces premières heures de l’Indépendance de l’Algérie, après 132 ans de colonisation française
. Le plus fort moment pour les ex-jeunes musiciens de la fanfare de Cherchell a éclaté sans conteste à Sidi Fredj, vers 14h, quand le colonel Ouamrane se charge de la levée de l’emblème national, alors que la fanfare exécutait pour la première fois l’hymne Kassaman en ce mois de juillet 1962. Un silence, un garde-à-vous, regards rivés vers le drapeau algérien, émotion intense, le peuple algérien vient de célébrer la libération de son pays aux côtés des membres de la fanfare et les djounoud de l’ALN.
Au mois d’août 2020, Meklati Braham, clarinettiste de la fanfare, docteur en physique, universitaire, chercheur, ex-DG du CRAPC (Centre de recherche physico-chimique), ayant formé un grand nombre de hauts cadres et chercheurs algériens, vit à présent reclus dans sa bulle depuis sa retraite, une situation accentuée par le diktat de la Covid- 19. Battache Mohamed, ex-directeur de CEM, à l’instar de son copain de la fanfare, devient «invisible» de plus en plus. Les deux survivants de la fanfare de Cherchell sont totalement ignorés, pourtant ! Les dégâts de la méprise de l’histoire locale à Cherchell se perpétuent.
1er Novembre 1962, clique de Cherchell
M’HAMED H.
17 AOÛT 2020 À 9 H 34 MIN
1458
L’effectif de la célèbre fanfare, qui avait fait retentir l’hymne national à Sid Fredj à l’aube de l’Indépendance du pays, n’existe plus, hormis deux musiciens, actuellement retraités, qui rasent les murs, après avoir contribué au développement et à l’éducation des jeunes générations dans le secteur de l’enseignement.
Il s’agit de Battache Mohamed et Meklati Braham. En discutant avec eux, ils ont eu des difficultés pour se rappeler des noms de tous leurs anciens camarades de la fanfare. D’emblée, ils nous citent quelques noms, en l’occurrence Khouane, Latrèche, Ouali (Baho, ndlr), Korchi, Bouchema, Melhani, Larinouna, Brahimi (Benmira, ndlr), Amani, Bekhti, Bouhni, Boutka Mohamed, et les trois collégiens, El Ghobrini Farid, Battache Mohamed, Meklati Braham.
Leurs partitions musicales sont le résultat de leurs efforts réalisés à travers leurs différents instruments : flûtes, saxophones, clarinettes, cymbales, grosse caisse, clairons, trombones, trompettes, tambours. La fanfare de Cherchell, puisqu’il s’agit de cet ensemble de musiciens, effectuait les répétitions bien avant l’indépendance du pays dans un local d’une trentaine de mètres carrés, situé au marché du centre-ville, à quelques pas de la mosquée du marché, construite en 1695. Aujourd’hui, cette mosquée se trouve dans un état qui nécessite un confortement et une réhabilitation, tandis que le conservatoire a été rasé. Il n’existe plus dans le décor.
Mais comment cette fanfare est arrivée à exécuter l’hymne national, « kassaman », lors de la levée du drapeau de l’Algérie indépendante, au mois de juillet 1962 à Sidi-Fredj ? Nos deux interlocuteurs se remémorent de certains souvenirs, 58 années après cet évènement historique. «Nous étions les plus jeunes à l’époque, notre fanfare se composait des ouvriers communaux et de quelques artisans, nous étions les plus jeunes».
Au mois de juin 1962, des responsables du FLN donnent rendez-vous à tous les musiciens de la fanfare, les informant d’une mission. Munis de leurs instruments respectifs, les membres de la fanfare de Cherchell se sont rendus au niveau de la station de bus de Mefti Frères (Laâmèche, ndlr). Cet opérateur algérien de transport assurait la ligne Cherchell-Menaceur-Cherchell. La destination du voyage n’avait pas été divulguée aux passagers exceptionnels du bus. Il faisait chaud. Les musiciens embarquent dans le vieux bus
. Dans le pays, au début du mois juillet 1962, les Algériens s’apprêtaient à rejoindre les urnes pour voter pour l’Indépendance. La fanfare de Cherchell arrive au djebel Mokorno, l’un des fiefs de la wilaya IV, qui se trouve dans la wilaya de Médéa, entre les localités de Zoubiria et Berrouaghia. Les musiciens s’installent dans le cantonnement. Ils ne sont pas habitués à vivre un quotidien pénible en cette période de grande chaleur. Les djounoud de la Wilaya IV avaient chaleureusement accueilli les éléments de la clique venus de Cherchell.
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Chacun avait eu droit à un matelas pour se reposer dans une salle du cantonnement. Les familles préparaient le couscous. En plus de la forte chaleur, il n’y avait point d’eau. Les musiciens se contentaient de boire la boisson gazeuse pas du tout fraîche durant leur séjour. Les maquisards prenaient soin de «ces artistes», qui arrivent dans une zone dépourvue d’arbres et de routes bitumées.
En dépit des difficiles conditions, les membres de la fanfare répétaient sans cesse les marches militaires, en exécutant les airs révolutionnaires programmés par les responsables de l’ALN et le FLN de la Wilaya IV. Les défilés dans la montagne de Monkorno aux rythmes de la musique se déroulaient avec les djounoud de l’ALN. La fanfare s’est adaptée à l’ambiance. L’organisation prend forme grâce à la discipline collective, malgré la canicule. Quelques membres âgés de la fanfare n’arrivaient plus à supporter la cadence des répétitions sous un soleil de plomb. Les musiciens étaient vêtus d’une chemise blanche, d’un pantalon kaki et d’un béret rouge aux deux bandelettes de couleur verte. Le séjour à Mokorno s’achève. Le premier baptême de la fanfare avait eu lieu à Blida, au niveau du kiosque de musique de la ville des Roses.
Les musiciens étaient dispersés durant la nuit. Ils avaient passé la nuit chez différentes familles, après avoir fait la fête. Les marées humaines se baignaient dans la fièvre indescriptible de l’ambiance de l’Indépendance. Arrivée à Alger, la fanfare de Cherchell est prise en charge par les responsables de l’ALN, chargés de préparer la commémoration officielle de l’Indépendance de l’Algérie. Le programme établi auparavant prévoyait d’abord un défilé de la fanfare de Cherchell qui avait devancé un bataillon de la Wilaya IV, venu lui aussi de Monkorno. Le trajet allant de la place du 1er Mai jusqu’à la place des Martyrs, à Alger, aura permis aux centaines de milliers de familles algériennes positionnées le long des deux côtés de la route de découvrir la fanfare qui exécutait les airs musicaux militaires, alors que les djounoud de l’ALN marchaient derrière les musiciens suivant une incroyable cadence.
Nos deux interlocuteurs, émus, n’arrivent pas à trouver les qualificatifs pour ces moments inoubliables vécus. Les médias du monde entier étaient présents afin d’immortaliser ces premières heures de l’Indépendance de l’Algérie, après 132 ans de colonisation française
. Le plus fort moment pour les ex-jeunes musiciens de la fanfare de Cherchell a éclaté sans conteste à Sidi Fredj, vers 14h, quand le colonel Ouamrane se charge de la levée de l’emblème national, alors que la fanfare exécutait pour la première fois l’hymne Kassaman en ce mois de juillet 1962. Un silence, un garde-à-vous, regards rivés vers le drapeau algérien, émotion intense, le peuple algérien vient de célébrer la libération de son pays aux côtés des membres de la fanfare et les djounoud de l’ALN.
Au mois d’août 2020, Meklati Braham, clarinettiste de la fanfare, docteur en physique, universitaire, chercheur, ex-DG du CRAPC (Centre de recherche physico-chimique), ayant formé un grand nombre de hauts cadres et chercheurs algériens, vit à présent reclus dans sa bulle depuis sa retraite, une situation accentuée par le diktat de la Covid- 19. Battache Mohamed, ex-directeur de CEM, à l’instar de son copain de la fanfare, devient «invisible» de plus en plus. Les deux survivants de la fanfare de Cherchell sont totalement ignorés, pourtant ! Les dégâts de la méprise de l’histoire locale à Cherchell se perpétuent.
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