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La princesse Lowayla se réveilla brusquement et le cri de stupeur qu’elle poussa fit se lever ses deux demoiselles de compagnie qui se trouvaient près d’elle et qui ne la quittaient jamais. Il faisait très chaud ce jour là, samedi 12 du mois de safar, tout comme les jours précédents de cet été torride de l’année 1045 de notre calendrier, et le soleil de plomb de l’après-midi obligeait tous les sujets du royaume à se cacher de ses rayons qui ne pardonnaient à personne de trop s’y exposer. Dans le grand parc du palais du père, le roi, elle disposait d’un petit jardin dans lequel elle aimait se réfugier pour faire sa sieste quotidienne. Seul un acacia centenaire continuait à fournir une ombre bénéfique à ceux qui recherchaient quelque fraîcheur en pleine canicule et, adossée à son tronc, Lowayla avait vite fait de s’endormir.
La princesse rêve d’une eau providentielle
La sécheresse qui se prolongeait depuis des mois était venue à bout de presque toutes les espèces végétales et seules les plantes à épines, plus résistantes, osaient encore la défier. Aucune herbe ne poussait et les moissons n’avaient pas eu lieu, les graines d’orge et de blé semées l’automne d’avant n’ayant pas germées, faute de pluie. Les provisions faites des récoltes de l’année précédentes s’amenuisaient à une vitesse folle et la famine commençait a pointer son nez. Les troupeaux de chèvres, de moutons et de vaches étaient décimés et tous les animaux subissaient les effets désastreux de cette sécheresse que seuls les dromadaires pouvaient supporter. L’eau devenait de plus en plus rare, les sources se tarissant les unes après les autres et les puits s’asséchant de plus en plus. De la fenêtre de sa chambre, Lowayla suivait avec plus en plus de peine le spectacle quotidien de ces hommes et de ces femmes, mais également de ces enfants faisant la queue aux portes du palais en quête de nourriture et de boissons.
Les réunions incessantes du Conseil royal, présidé par son père le roi, l’atterraient tout autant, les rapports que lui faisait le premier vizir sur la situation étant tous plus alarmants les uns que les autres et personne ne trouvant de solution à ce manque d’eau persistant. Même les royaumes voisins ne pouvaient offrir leur aide, étant eux-mêmes confrontés à une situation similaire et les prières collectives adressées sans discontinuité par les pieux sujets du roi au Créateur restaient sans réponse ! Lowayla assistait aux évènements le cœur meurtri. Très sensible, mais n’ayant aucun moyen pour alléger la souffrance de son peuple et faire retrouver à tous un sourire disparu depuis bien longtemps du visage de chacun, elle n’avait que ses yeux pour pleurer et sa foi pour demander à Dieu de faire gronder le ciel et d’arroser abondamment cette terre qu’elle aimait tant. Elle ne s’était pas endormie au pied de son acacia sans avoir fait les deux : pleurer de toutes ses larmes et prier de tout son cœur ! Tout près de cet arbre, poussait un grenadier qu’elle avait elle-même planté quelques années plus tôt et dans lequel un couple de colombes dont le roucoulement l’apaisait, quand elle avait quelque chagrin, avait fait son nid.
Or, son chagrin était immense ! Elle partageait sa ration quotidienne d’eau avec ce grenadier, tout comme ses deux demoiselles de compagnie, Chemsa et Kamra, affligées par la peine de leur princesse. Il n’y avait rien de plus précieux au royaume que les larmes de la princesse Lowayla ! L’une des tâches de Chemsa et Kamra était de recueillir celles-ci dans deux petits gobelets en or, spécialement conçus pour cela et appelés «larmiers de la reine». Chacune posait délicatement le sien juste en dessous de l’œil de Lowayla qui lui était assigné, Chemsa se chargeant généralement du droit, Kamra du gauche. Si par mégarde, quelques larmes prenaient le chemin de la joue, elles étaient essuyées avec des pétales de rose que les deux préposées déposaient par la suite dans les larmiers.
Lowayla avait un sens très pratique et arrosait, depuis des semaines, son grenadier de ses précieuses larmes. Or, quelques instants avant son brusque réveil, elle en avait fait couler beaucoup, tout en implorant le Très-Haut de secourir son royaume, hommes, animaux et plantes, sans oublier tous les autres royaumes touchés, comme le sien, par la sécheresse. Quand elle se réveille, précipitamment, elle eut l’impression que ses pieds étaient bien trempés. Mais en voyant, là où elle se tenait debout, une flaque d’eau qui grossissait et recouvrait de plus en plus la terre qui l’entourait, elle prit alors conscience de la réalité : une source venait d’éclater au pied de son grenadier.
«Dieu est grand», «Dieu est grand», «Dieu est grand», cria Lowayla, la tête et les mains levées vers le ciel ! Chemsa et Kamra étaient déjà à ses côtés, mais s’évanouirent toutes deux à la vue de cette eau inespérée qui commençait à former un ruisseau en contrebas. Alors, telle une sirène au milieu des flots, elle s’assit dans la flaque et s’aspergea le visage d’une eau qui lui semblait si claire et si fraîche que, n’eut été son rang, elle y aurait plongé de tout son corps ! Joueuse, elle en jeta sur ses demoiselles de compagnie qui se relevèrent aussitôt. Le débit de la source, qui venait de naître à l’endroit même que Lowayla arrosait de ses propres larmes, augmentait et les cris de joie des trois jeunes femmes parvinrent aux oreilles des gardes du palais tous proches et dont le chef, craignant pour sa tête, fit immédiatement appel à la gouvernante de la princesse, elle aussi pas très loin, pour s’enquérir d’une situation qui lui faisait craindre le pire. Arrivée sur les lieux, elle n’eut d’autres mots à prononcer que «Dieu est grand», tout comme la princesse, Chemsa et Kamra.
Elle n’en oublia pas pour autant ses devoirs. Après avoir, brièvement, informé le chef des gardes auquel elle avait demandé de veiller à ce que le roi soit le premier à prendre connaissance de cette nouvelle miraculeuse, elle raccompagna Lowayla à ses appartements. Au palais, l’excitation était à son comble. Le roi, son premier vizir, ses ministres et ses conseillers étaient tous fous de joie, chacun oubliant sa charge et tous louant Dieu pour cette eau providentielle : «Dieu est grand» ! Redonner vie à la source , ils ne purent rien. Le plus étonnant est que tous étaient d’accord sur le fait que l’eau se trouvait bien à sa place au pied du grenadier car, quand l’un d’eux collait son oreille là d’où elle sortait quelques jours auparavant, il entendait nettement son gargouillis caractéristique. Ils creusèrent des jours et des jours mais, à chaque fois, ils ne trouvèrent rien alors que le chant de la source se faisait clairement entendre ! Lowayla s’était remise à prier et à pleurer. Chemsa et Kamra avaient repris leur tâche d’arrosage du grenadier avec les larmes précieuses de leur princesse. Hélas ! L’endroit demeurait toujours aussi sec ! Les savants du roi se perdaient en conjectures quand l’un d’eux proposa de faire appel à un de leurs confrères d’un royaume voisin, réputé pour son érudition, sa connaissance de la nature humaine et sa clairvoyance. Sollicité, il ne tarda pas à venir. Ayant été mis au courant de la situation et après avoir visité les lieux, ainsi que le système hydraulique réalisé, il demanda à voir la princesse. Il désirait qu’elle lui raconte, par le menu détail, ses faits et gestes ayant précédé la naissance de la source.
Le secret de la source aïn bent soltane
Dans un des salons du palais ou elle l’avait reçu, elle lui rapporta tout. Tous ses sens en éveil, il l’avait écouté attentivement et sans l’interrompre. «Princesse, lui demanda-t-il quand elle eut terminé ce qu’elle avait estimé utile de lui dire, pourriez-vous condescendre à me faire connaître quel était exactement le contenu de vos prières adressées à Dieu» ? Elle se plia aimablement à son désir. De toutes les prières dont elle lui fit part, une seule retint particulièrement son attention. Il lui demanda, alors, de le lui répéter : «Mon peuple, mon père le roi, son royaume ainsi que tous les royaumes voisins et tous les animaux ont immensément soif. Désaltérez-les et arrosez la terre et ses plantes. Vous seul, mon Dieu, en avez la volonté et le pouvoir !» L’entretien terminé, il se retira dans la chambre qui avait été mise à sa disposition.
Après de longs moments de réflexion, il la quitta pour la bibliothèque royale où il consulta quelques ouvrages puis, estimant avoir trouvé la solution, il demanda audience au roi à qui il se devait de la présenter en premier. Il fut reçu sans avoir eu à attendre. «Sire, lui dit-il, l’eau est un don de Dieu.
Il l’offre, selon sa volonté, comme il veut, quand il veut et à qui il veut. Quand il daigne l’offrir, il le fait afin que toutes ses créatures sans distinction d’espèce, de nature ou de rang en jouissant en toute liberté.» Aucune des paroles de ce vieux savant n’échappait aux oreilles du roi qui était tout à l’écoute. «Sire, reprit-il, je n’aurais pas l’outrecuidance de vous dire ce que vous devez faire, je me permets de vous proposer de rétablir les lieux, où la source est née, tels qu’ils étaient avant la mise en place du système hydraulique, tout en reperçant le trou qu’avait creusé l’eau de la source dans la muraille d’enceinte du palais et qui permettait à vos sujets d’en boire, eux aussi». Le roi commençait à comprendre le pourquoi d’une pareille proposition.
Belkacem Mokhtar HADJAIL
Bonjour
RépondreSupprimerJ'aimerais bien que vous citiez le nom de l'auteur, en l’occurrence moi-même, Belkacem Mokhtar HADJAIL.
Merci.
oui bien sur avec plaisir
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